La spiruline est une cyanobactérie utilisée depuis quelques années en tant que complément alimentaire. Elle est considérée comme étant un des aliments les plus riches en nutriments essentiels, que ce soit en protéines ou en vitamines, minéraux, oligo-éléments, etc. Cependant, il existe un conflit d’intérêt exponentiel quant à ses valeurs nutritives et, par conséquent, ses bienfaits santé. En effet, les tableaux de valeurs nutritionnelles mis à disposition du grand public proposent les nutriments présents pour 100 grammes d’aliment. Or, la spiruline n’est consommée qu’à hauteur de 5 grammes selon les recommandations journalières conseillées par l’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du travail). De cette manière, les sites de vente en ligne prônent les hautes valeurs nutritives de la spiruline pour 100 g, en laissant penser que ces dernières sont valables pour une consommation quotidienne de 5 g. C’est pourquoi il existe de nombreuses confusions et beaucoup de conflits d’intérêt sur la spiruline, et notamment dans le cadre du sport. Cet article a pour objectif de faire la part des choses entre les bienfaits fondés et infondés de la spiruline dans le sport.
Cet article a été mis à jour le 25/07/2024La réponse est non. La spiruline est un complément alimentaire très prisé par les sportifs en raison des vertus qui lui sont le plus souvent attribuées selon les sites de vente en ligne, c’est-à-dire l’amélioration de la performance physique et la réduction de la fatigue. Cependant, tous les stéréotypes sur la spiruline sont biaisés car les quantités consommées n'ont que peu d’impact concret dans le domaine du sport, et en particulier sur la prise de masse musculaire. En effet, une prise de masse musculaire est permise en cas d’alimentation hypercalorique (par rapport aux besoins de l’organisme) et particulièrement hyperprotéique. Pour assurer un régime hyperprotéiné, une consommation de protéines avoisinant les 1,7 à 2,2 g / kg de poids de corps par jour est recommandée pour une prise de masse musculaire (85 à 110 g de protéines par jour pour une personne de 50 kg).
La spiruline possède 57 g de protéines pour 100 g de spiruline selon le Ciqual, tableur nutritionnel de référence de l’ANSES. Le bouche-à-oreille et la publicité (ou les messages promotionnels) ont ainsi fait que la majorité de la population voit la spiruline comme un complément protéique majeur pour atteindre ce montant élevé de protéines, et ce, dans le cadre d’une prise de masse musculaire. Cependant, avec des recommandations de consommation basées à 5 g de spiruline par jour, cette dernière n’apporte que 3 g de protéines.
Par ailleurs, la spiruline possède l’atout d’être composée des 20 acides aminés essentiels à la synthèse des protéines. Cependant, les teneurs en ces acides aminés sont assez mal renseignées, ce qui ne permet pas d’assurer concrètement un impact en musculation. Une revue de littérature systématique récente a montré qu’à ce jour, aucun effet récurrent favorable n’a pu être démontré dans le cadre de la musculation, ou dans n’importe quel sport. Il a également été noté que la qualité méthodologique des études existantes était globalement très faible. Sa consommation reste donc pour l’instant intéressante dans une optique thérapeutique, notamment en soutenant les apports en fer et en cuivre, mais elle ne constitue pas un aliment miracle. De ce fait, une alimentation équilibrée accouplée à des apports caloriques suffisants sont à ce jour irremplaçables pour assurer des effets notables sur la prise de masse musculaire et sur la musculation.
Néanmoins, il peut être compliqué d’assurer ces apports élevés en protéines, mais également de réaliser ces régimes complexes. De cette manière, il est recommandé de s’orienter vers un diététicien-nutritionniste ou médecin-nutritionniste pour voir si une complémentation en protéines peut être judicieuse. Si c’est le cas, le professionnel de santé s’orientera notamment vers des compléments alimentaires pouvant être consommés dans des quantités très supérieures à celles de la spiruline, sans induire d’effets secondaires liés à un surdosage (constipation, diarrhées, gaz intestinaux). Ainsi, cela permettra d’optimiser concrètement les apports en protéines, et ce, uniquement si l’alimentation n’est pas suffisante.
La raison la plus intéressante de consommer la spiruline dans le cadre d’une pratique sportive est de l’utiliser comme source de protéines dans une boisson énergisante maison. Cette boisson est particulièrement utilisée par les sportifs d’ultra-endurance. Elle doit être composée d’une source de glucides permettant de remplir les stocks de glycogène (forme de stockage des glucides) qui diminuent fortement durant un effort intense et longue durée. En effet, ce glycogène est dégradé puis utilisé comme carburant par les muscles durant l’effort (à partir de 3 minutes), il est donc important de réapprovisionner les réserves.
Néanmoins, l’organisme peut également utiliser des protéines pour produire de l’énergie sur des efforts de très longue durée (supérieurs à 3 heures), d’où l’intérêt de la spiruline dans ce cadre. En effet, comme dit précédemment, la spiruline possède la particularité d’être composée de tous les acides aminés essentiels à la synthèse des protéines. Malgré des teneurs encore mal connues, cet ensemble permet aux sportifs d’apporter des acides aminés comme la valine, la leucine et l’isoleucine, régulièrement appelés BCAA (Brained Chained Amino Acids). Ces derniers sont particulièrement appréciés des muscles car ils sont considérés comme leur « nourriture préférée ».
Un effort de longue durée diminue fortement les stocks de glycogène musculaire et hépatique. De cette manière, les BCAA permettent de « nourrir » efficacement les myocytes (cellules musculaires) durant l’effort, ce qui aide l’organisme à produire de l’énergie. La spiruline possède environ 3 g de protéines pour 5 g, elle peut ainsi s’ajouter à une boisson de l’effort maison dans l’optique de réaliser un effort très intense et de très longue durée. En effet, l’organisme ne nécessite qu’une quantité relativement faible de protéines pour ces efforts (entre 5 et 10 g par litre). La spiruline peut donc jouer ce rôle dans une boisson de l’effort.
Attention, il est recommandé de ne pas consommer plus de 10 g de spiruline par jour, et par conséquent dans la boisson de l’effort, pour éviter d’induire des troubles digestifs durant l’activité physique. De plus, il est déconseillé de consommer la spiruline en cas d’insuffisance rénale, de phénylcétonurie (incapacité de métaboliser la phénylalanine) et d’hémochromatose (excès de fer dans le sang). De manière générale, il est recommandé de consulter un médecin avant d’entamer une prise de complément alimentaire comme la spiruline.
La spiruline est souvent utilisée en récupération pour ses apports en protéines. En effet, les protéines sont essentielles à la reconstruction musculaire après l’effort, car ce dernier induit des microlésions musculaires. L’organisme utilise donc les protéines pour reconstruire le muscle après l’effort (notamment le collagène), et ainsi, cicatriser ces microlésions. Par ailleurs, c’est cette cicatrisation qui provoque les douleurs liées aux courbatures après un effort. De cette manière, les apports en protéines sont primordiaux pour assurer une récupération musculaire efficace. Les professionnels de santé spécialisés dans la nutrition du sport estiment donc qu’il est judicieux d’apporter au minimum 20 g de protéines dans l’heure suivant la pratique sportive.
Ainsi, avec 3 g de protéines pour 5 g de spiruline, cette dernière permet d’apporter un soutien aux apports en protéines post-effort, mais ne comblent en aucun cas les besoins totaux en protéines nécessaires à la récupération musculaire. En effet, un repas contenant une source de protéines animales comme un steak, un blanc de dinde ou une omelette, ou encore un assemblage de légumineuses et de céréales complètes (pour les sportifs végétariens), est beaucoup plus efficace que la spiruline en récupération. D’autant plus que l’organisme a également besoin de consommer entre 60 et 80 g de glucides dans l’heure suivant l’activité. Ainsi, un repas complet semble plus judicieux que de consommer uniquement la spiruline pour assurer une récupération optimale.
Néanmoins, le sport est une grande source de stress oxydatif. De cette manière, la spiruline peut permettre aux sportifs de lutter contre ce phénomène, car elle serait un bon antioxydant selon certaines études. En effet, la phycocyanine (molécule active de la spiruline) joue un rôle d’antioxydant très intéressant lorsqu’elle est accouplée aux autres composants de la spiruline. Cependant, la spiruline n’est pas un antioxydant miracle, et la diversité des sources antioxydantes en post-effort est judicieuse pour assurer une bonne récupération des tissus.
De plus, la spiruline est considérée selon certaines sources comme étant le meilleur antioxydant connu à ce jour. Le problème étant que la cyanobactérie est, encore une fois, consommée à seulement 5 g. Les valeurs élevées de molécules antioxydantes comme les vitamines C et E, ou encore la superoxyde dismutase (enzyme antioxydante) sont donc très faibles par rapport aux effets escomptés. Elle n’est donc pas le meilleur antioxydant connu à ce jour, mais elle permet tout de même de constituer un antioxydant efficace. De plus, sa valeur antioxydante sera intéressante dès lors qu’elle sera accouplée à diverses sources d’antioxydants. On sait en effet aujourd’hui que, pour limiter le stress oxydant, il est plus important de varier les sources d’antioxydants dans son alimentation que de consommer un seul antioxydant, même s’il est censé être le plus “puissant”.
Enfin, d’autres études montrent que la spiruline a un effet alcalinisant sur l’équilibre acido-basique, ce qui aurait un impact très important sur l’acidité de l’organisme après un effort physique. Un déséquilibre de la balance acido-basique est induit par l’activité physique puisque le sport amène une forte production d’acides lactiques. Ce déséquilibre peut entraîner sur le long terme des inflammations liés à une acidose métabolique (débordement et incapacité des systèmes tampons à éliminer la surcharge d'acides dans l'organisme).
Il est donc avancé que la spiruline sert d’aliment alcalinisant pour favoriser l’excrétion urinaire d’acide lactique. Cependant, l’impact de la spiruline sur l’équilibre acido-basique est relativement neutre (environ -2,8 mEq). Effectivement, il est estimé qu’un aliment ayant une valeur comprise entre - 3 mEq et + 3 mEq (milliéquivalents) apporte un impact neutre sur l’équilibre acido-basique. C’est pourquoi les épices et les aromates, consommés lors du repas suivant l’activité, apportent un réel bénéfice sur le rééquilibrage de la balance acido-basique post-effort, ce qui n’est pas forcément le cas de la spiruline. En effet, les épices et les aromates sont considérés comme les familles d’aliments les plus alcalinisantes, et sont donc à privilégier par rapport à la spiruline pour alcaliniser l'organisme. Sans oublier que ce sont aussi de très bons antioxydants, même à faible dose.
Cependant, la spiruline reste à la base une source de protéines. Ces dernières sont une des principales sources d'acidité dans l'organisme puisque leur digestion entraîne la formation d'acides (uriques notamment). Par conséquent, les aliments riches en protéines sont très acidifiantes (fromages, viandes, poissons, œufs...), avec des valeurs aux alentours des + 10 mEq. Pour diminuer cette charge, il est important d'apporter des sources de nutriments alcalinisants comme le calcium, le potassium et le magnésium. Ainsi, la spiruline est composée de beaucoup de protéines, mais l'impact de son ingestion est diminuée grâce aux teneurs en calcium, en potassium et en magnésium de la spiruline. Par conséquent, la spiruline permet d'être un soutien alcalinisant en protéines contrairement aux autres sources de protéines, et particulièrement animales.
La spiruline est composée de nutriments retrouvés en grande quantité dans les aliments d’origine animale (protéines, fer, cuivre). En plus de les contenir en quantité raisonnable (surtout fer et cuivre) pour une consommation de seulement 5 g, ces nutriments contenus dans cette cyanobactérie sont très bien assimilés par l’organisme. En effet, les nutriments comme le fer sont très peu assimilés dans les aliments d’origine végétale (moins de 10 % du fer végétal consommé est absorbé et utilisé par l’organisme). Le fer de la spiruline est donc un bon moyen de limiter les déficits en ce nutriment essentiel à la pratique sportive, et particulièrement retrouvé en grande quantité chez les animaux.
De cette manière, la spiruline constitue un soutien intéressant en protéines, en fer et en cuivre pour les sportifs végétariens, végétaliens et végans. En effet, les protéines sont très importantes dans le sport car elles participent à maintenir la masse musculaire en bonne santé. Cependant, la couverture des besoins (qualitatifs et quantitatifs) en protéines est plus complexe avec les aliments d’origine végétale. C’est pourquoi il est essentiel d’assurer une complémentarité entre les protéines végétales (comme dans l'association céréales-légumineuses par exemple), dans l’optique de ne pas manquer d’acides aminés indispensables (apportés exclusivement par l’alimentation).
En complément, la spiruline peut aussi être un soutien pour ces sportifs car elle contient tous les acides aminés indispensables. De plus, elle peut permettre d’apporter 3 g de protéines par jour pour une consommation recommandée de 5 g de spiruline par jour. Ainsi, elle permet d’accompagner les apports journaliers en protéines végétales, assurés par les légumineuses, les produits céréaliers complets et les fruits oléagineux.
Attention, les sportifs végétariens et végans doivent savoir que la vitamine B12, retrouvée exclusivement dans les produits d'origine animale, est essentielle à leur santé. Il est souvent lu que la spiruline possède un taux élevé de vitamine B12. Malheureusement, ce sont des analogues inactifs qui sont retrouvés dans cette cyanobactérie. L’ANSES ne considère donc pas la spiruline comme une source fiable de vitamine B12. C’est la raison pour laquelle le Ciqual, qui est le tableau de référence des valeurs nutritionnelles de l’ANSES, estime que la spiruline ne contient pas de vitamine B12 (« 0 mg »). Il est donc important pour les sportifs végétariens et végans d'être suivi par un diététicien-nutritionniste ou un médecin-nutritionniste pour éviter cette carence en vitamine B12 qui peut être très dangereuse pour leur santé. Ce professionnel de santé orientera très certainement ces populations à se complémenter en vitamine B12 grâce à des compléments alimentaires spécifiques et adaptés à chaque individu.
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Publication : MAAIKE KRUSEMAN, & Pr VINCENT GREMEAUX. (2020). Optimiser la supplémentation nutritionnelle chez les sportifs. Rev Med Suisse, 1401‑1404. https://serval.unil.ch/resource/serval:BIB_48B803C7B2EA.P001/REF
Ouvrage : C. (2021). Alimentation, nutrition et régimes. STUDYRAMA.
Ouvrage : Ferreira, A., Petretti, C., & Vasina, B. (2015). Biologie de l’alimentation humaine : Tome 1 (Vol. 1). Studyrama.
Ouvrage : Marinier, C. F. D. (2020). Sportifs, le guide complet des soins naturels : Plantes, huiles essentielles, homéopathie, autohypnose, automassages, nutritio. TERRE VIVANTE.
Ouvrage : Riché, D. (2017). Epinutrition du sportif (Hors collection Sport) (1re éd.). DE BOECK SUP.
Site Web : Ciqual Table de composition nutritionnelle des aliments. (s. d.). Ciqual - ANSES. https://ciqual.anses.fr/
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