Les liens entre l’alimentation et le sommeil sont encore trop méconnus et sous-estimés. Pourtant, de nombreuses recherches permettent aujourd’hui d’en connaître les mécanismes et l’importance à plusieurs niveaux. Qu’il s’agisse d’horaires des repas, de certains excès ou de carences, l’alimentation peut en effet exercer une influence significative, favorable ou néfaste, sur le sommeil. En cas d’insomnie, il est donc important d’en tenir compte pour mettre en place des habitudes alimentaires adaptées, d’autant que ces règles sont le plus souvent simples à respecter. Elles joueront un rôle essentiel et complémentaire des autres conseils d’hygiène de vie pour mieux dormir.
Cet article a été mis à jour le 04/12/2023Si nous nous endormons le soir, ce n’est pas seulement parce que nous sommes fatigués. C’est aussi parce que le sommeil et plusieurs fonctions de notre corps sont rythmés quotidiennement par notre horloge interne, aussi appelée l'horloge biologique. C’est ainsi que notre cerveau est "programmé" pour commencer à produire la mélatonine, l’hormone du sommeil, dès que la lumière du jour commence à baisser. Encore faut-il que toutes les conditions soient réunies : présence des nutriments nécessaires à la production de la mélatonine, baisse de la température corporelle, diminution des hormones de l’éveil et du stress, absence d’écrans avant de dormir…
Les connaissances actuelles sur horloge biologique permettent de mieux comprendre les liens étroits qui existent entre l’alimentation et le respect de l'alternance éveil-sommeil, avec des effets à plusieurs niveaux :
Commencer par prendre soin de son alimentation fait donc partie des piliers pour mieux dormir et rester en bonne santé... d'autant qu'avec le mode de vie moderne, notre alimentation s’est appauvrie en nutriments et que nos de repas respectent de moins en moins notre horloge biologique. À cela s'ajoutent l'exposition tardive aux écrans, l'intensification du stress chronique... qui sont autant de facteurs supplémentaires favorables aux insomnies.
Plusieurs boissons comme l’alcool ou le café sont connues pour avoir des effets négatifs sur le sommeil, mais certains aliments ou des repas trop copieux peuvent aussi le perturber en étant à l’origine de retards d’endormissement, de diminution du sommeil profond... C'est pourquoi, en cas d’insomnie, il sera alors important de limiter :
La lumière, avec l'alternance jour/nuit, est le facteur principal de la régulation de l’horloge biologique. Mais la nutrition peut, elle aussi, jouer un rôle synchroniseur, ou au contraire désynchroniseur, de notre horloge biologique, avec des répercutions sur le sommeil, sans oublier la fatigue, le surpoids... D'où l'importance d'adapter son alimentation, tout au long de journée, pour participer au bon fonctionnement de l'organisme en étant en phase avec ses rythmes et ses besoins :
Les avancées de la recherche en nutrition ont permis de mettre en évidence l’existence d’une compétition entre la tyrosine (précurseur de la dopamine) et le tryptophane (précurseur de la sérotonine et de la mélatonine) au niveau de leur passage dans le cerveau. C'est alors que la composition des repas va entrer en jeu. En effet, c'est en fonction de la richesse en protéines ou en sucres des repas que la tyrosine ou le tryptophane seront prioritaires pour rejoindre le système nerveux central. Il est donc recommandé, surtout chez les personnes qui souffrent d'insomnie, de :
Le fonctionnement de l'horloge biologique nécessite un statut optimal en certains micronutriments. Un déficit en l’un ou l’autre peut en effet être à l’origine d’une baisse de la qualité du sommeil. D'où la nécessité de les apporter par l’alimentation, voire sous forme de compléments alimentaires si besoin. En cas d’insomnie, il pourra même être utile de faire un bilan sanguin pour ne pas passer à côté de situations de carences.
Le tryptophane est cet acide aminé qui permet de produire la sérotonine, elle-même précurseur naturel de la mélatonine. Il s’agit d’un acide aminé essentiel, car notre organisme ne sait pas le synthétiser. Il doit donc impérativement être apporté par l’alimentation. Mais le fait d'en manger, même en quantités suffisantes, ne suffira pas toujours. Encore faut-il qu’il arrive jusqu’au cerveau au bon moment de la journée et que les conditions soient favorables. Son métabolisme est en effet dépendant d'autres facteurs comme la présence de micronutriments jouant le rôle de cofacteurs (fer, vitamines B3, B9, B12). Il est également perturbé en cas de stress chronique quand le niveau de cortisol est trop élevé.
L’Anses estime que les besoins en tryptophane s’élèvent à 4 mg/kg par jour, soit environ 200 mg qui, normalement, sont facilement couverts par une alimentation « équilibrée ». Comme expliqué ci-dessus, il faudra aussi et surtout veiller à avoir une bonne proportion de glucides dans le menu du soir pour faciliter le passage du tryptophane dans le cerveau... mais veiller aussi à couvrir les autres besoins en micronutriment et à limiter le stress chronique.
Parmi les aliments les plus riches en tryptophane, on retrouve : les légumineuses dont le soja, le riz complet, la morue et le poisson en général, les arachides, les graines de courge, la plupart des produits laitiers, les volailles, les œufs, la levure de bière, le persil, le chocolat, la banane, les fruits secs comme les amandes...
En cas de difficultés d’endormissement rebelles, une supplémentation à 500 mg par jour de tryptophane peut toutefois être envisagée. Il sera alors important d’éviter l’automédication et de tenir compte des contre-indications comme la prise d’antidépresseurs, la grossesse et l'allaitement…
Le magnésium est impliqué dans de très nombreuses réactions de l’organisme, notamment dans la régulation de la libération et/ou du stockage de la sérotonine. L’alimentation moderne s’étant particulièrement appauvrie en magnésium, il faudra veiller à couvrir les besoins en cas de problèmes de sommeil, d’autant que les situations de stress ont en plus tendance à favoriser son élimination par l’organisme. Sachant qu'une carence en magnésium est associée à une plus grande sensibilité au stress, on entre alors dans un cercle vicieux avec l’installation de signes nerveux et physiques (anxiété, hyperémotivité, troubles cardiaques, fatigue matinale, maux de tête, mauvaise adaptabilité au stress, crampes, douleurs musculaires, fourmillements dans les extrémités…) qui eux-mêmes peuvent perturber le sommeil…
D’après les données de l’ANSES, les références nutritionnelles quotidiennes se situent autour de 300 mg chez l'adulte. Les aliments les plus riches en magnésium sont les algues, certaines graines et oléagineux (courge, lin, noix du Brésil, sésame, tournesol, noix de cajou, amandes, noisettes, chia, chanvre, fenugrec...), le cacao et le chocolat (à 70% de cacao)... mais aussi les légumes verts, les légumineuses, les céréales complètes, les mollusques et crustacés et certaines eaux minérales.
En cas de stress chronique, une complémentation sera très souvent nécessaire. Les doses recommandées vont de 100 à 400 mg/jour avec une limite supérieure à 250 mg pour l'oxyde de magnésium. Il existe de nombreux compléments alimentaires avec des dosages et des biodisponibilités différentes. Demandez conseil à un professionnel de santé.
Les mécanismes en jeu sont assez complexes, mais des études ont permis de mettre en évidence une relation positive entre le taux d’omégas 3 et le taux de sérotonine. Précurseurs de molécules anti-inflammatoires, les omégas 3 contribuent à limiter l’inflammation qui détourne l’utilisation du tryptophane et limite la production de sérotonine. En tant que constituants des membranes cellulaires, les omégas 3 participent aussi à la qualité de la communication entre les neurones.
L'alimentation moderne est également responsable d'un manque d'apport en omégas 3 qui, associé à un excès d'omégas 6, favorisent un terrain inflammatoire. Il faudra donc veiller en même temps à limiter les sources d'omégas 6 (exemple : huiles de Tournesol, Arachide) tout en apportant davantage d'omégas 3 (exemple : huile de chanvre, lin, noix, colza, petits poissons gras, produits de la filière Bleu-Blanc-Cœur...).
L'objectif est de tendre vers un meilleur rapport oméga 3 / oméga 6 avec des effets bénéfiques sur le sommeil et la santé en général. On évitera aussi des apports excessifs en acides gras saturés ou trans compte tenu de leurs effets pro-inflammatoires qui peuvent aussi nuire au sommeil.
Le déficit en fer est très souvent impliqué dans les problèmes d’insomnies, surtout s’il est associé au syndrome des jambes sans repos. On retrouve par ailleurs d’autres signes associés à l’anémie : fatigue, troubles de l'humeur, fréquence cardiaque élevée…
Bien qu'une alimentation variée soit censée couvrir les besoins nutritionnels, certains aliments sont à privilégier en cas d'anémie ferriprive.
Les causes et les conséquences étant multiples, un bilan biologique et un avis médical seront nécessaires pour envisager une complémentation, indispensable quand le déficit est trop important.
Comme le magnésium ou le fer, plusieurs vitamines sont également nécessaires au fonctionnement normal du système nerveux. On notera que la vitamine C et les vitamines du groupe B, en particulier les vitamines B3, B6, B9, B12, interviennent dans la production de dopamine, sérotonine ou mélatonine. Une alimentation équilibrée doit permettre de couvrir nos besoins nutritionnels dans ce domaine, mais certains "superaliments" pourront être utiles comme :
Concernant la vitamine B12 qui est de source exclusivement animale, il faudra être particulièrement vigilant à la couverture des besoins chez les personnes végétariennes ou prenant un traitement à base de médicaments anti-acides. Une complémentation sera même indispensable pour les personnes qui suivent un régime végan.
Pour couvrir les besoins de l'organisme et être en phase avec notre horloge biologique, voici un récapitulatif avec des recommandations pour la composition des repas tout au long de la journée. Ces conseils sont utiles à suivre en cas d'insomnie, mais ils conviennent aussi bien au maintien en bonne santé de tous.
Pour bien démarrer la journée avec dynamisme en favorisant la production de Dopamine tout en évitant les coups de pompe et les "fringales" de la matinée :
C'est un repas qui doit être le plus complet et le plus varié possible en évitant, comme au petit-déjeuner, de consommer trop de produits sucrés.
S'il est pris dans le calme, il sera aussi une pause bienvenue pour réguler le stress de la journée. Idéalement, une petite séance de relaxation juste avant ou juste après est recommandée pour limiter l'accumulation du stress chronique dont les effets se feront sentir le soir au moment du coucher. D'où l'importance de prendre au moins le temps de mastiquer pour bien digérer.
Si vous n’êtes pas végétarien, c’est aussi le moment à privilégier pour manger de la viande.
C'est le moment de la journée où il faut apporter du sucre et du magnésium pour favoriser l’assimilation du tryptophane et préparer la synthèse de l'hormone du sommeil. C'est ce que réclame notre cerveau au travers des "pulsions sucrées" qui surviennent naturellement en fin de journée.
Autant lui répondre avec des aliments à la fois gourmands et de bonne qualité micronutritionnelle comme : fruits frais ou secs, oléagineux (amandes et noix) et du chocolat noir (de préférence à 70% et plus).
Pour contribuer à un sommeil de qualité, il est recommandé de :
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Publication : Wurtman, R. J., Wurtman, J. J., Regan, M. M., McDermott, J. M., Tsay, R. H. & Breu, J. J. (2003). Effects of normal meals rich in carbohydrates or proteins on plasma tryptophan and tyrosine ratios. The American Journal of Clinical Nutrition, 77(1), 128‑132. https://doi.org/10.1093/ajcn/77.1.128
Publication : Afaghi, A., O’Connor, H. & Chow, C. M. (2007). High-glycemic-index carbohydrate meals shorten sleep onset. The American Journal of Clinical Nutrition, 85(2), 426‑430. https://doi.org/10.1093/ajcn/85.2.426
Ouvrage : Guide des ordonnances en nutrition. (2014). Éditions de Santé.
Site Web : INSV Institut National du Sommeil et de la Vigilance. (2021, 5 juillet). Sommeil et alimentation. https://institut-sommeil-vigilance.org/sommeil-et-alimentation/
Site Web : Chronobiologie ⋅ Inserm, La science pour la santé. (s. d.). Inserm. Consulté le 27 octobre 2022, à l’adresse https://www.inserm.fr/dossier/chronobiologie/
Site Web : ANSES. (s. d.). Ciqual. Ciqual Table de composition nutritionnelle des aliments. https://ciqual.anses.fr/
Site Web : ANSES. https://www.anses.fr/fr/content/les-références-nutritionnelles-en-vitamines-et-minéraux
Cet article d'aromathérapie a été rédigé par Théophane de la Charie, auteur du livre "Se soigner par les huiles essentielles", accompagné d'une équipe pluridisciplinaire composée de pharmaciens, de biochimistes et d'agronomes.
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